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Réflexions piquantes d'une jeune romaniste
24 novembre 2007

Gigolo Joe

ai7Il ressemble à Jude Law. « En beaucoup moins beau. » précise Sarah à la Sangria party. Mais ne faisons pas la fine bouche : même beaucoup moins beau, le résultat est fort plaisant.

Je l’ai rencontré pour la première fois à cette Sangria party le 6 octobre et, si je l’ai trouvé – presque – aussi beau que Jude Law, il m’est immédiatement sorti de l’esprit. Je l’ai revu dix jours plus tard environ au Maracaibo et nous avons échangé quelques paroles. Et puis, chaque fois que je le voyais, il me faisait un grand sourire et me lançait un chaleureux « Ciao, Géraldine ! ». J’étais flattée qu’il se souvînt de mon prénom, parmi les centaines d’Erasmus, et qu’il parvînt à le prononcer sans difficulté – ce qui est rare ici, comme je l’ai déjà dit. Cela me faisait très plaisir de recevoir ces marques d’intérêt d’un garçon aussi charmant. Mais sans plus. Il flattait mon orgueil mais il n’occupait pas mes pensées, il ne me faisait pas rêvasser au cours, il ne me faisait pas pleurer la nuit.

Et puis voilà qu’arrive le jour de la bacarata, cette fantastique guindaille vénitienne attendue de tous les Erasmus. Devant la ferrovia, on nous remet à chacun notre instrument de travail : un gobelet rouge qu’il s’agit de remplir – et donc de vider – le plus possible. En cas de perte ou de destruction dudit objet, nous sommes priés de nous adresser à lui, promu responsable des gobelets. « Tu sais ce qu’il te reste à faire avec ton verre… » ironise Justine. Je ne relève pas. En fait, il me faut quelques secondes pour comprendre à quoi elle fait allusion : pourquoi m’amuserais-je à casser mon gobelet ?

Mais voilà, la soirée s’écoule, les verres se remplissent vite et se vident plus rapidement encore, les langues se délient et les bonnes manières se font la malle. Je le vois sortir avec un fille, une Française qui ressemble à Marion Cotillard. Et là, le déclic se fait, le désir me monte aux reins tandis que le dépit s’abat sur moi comme une douche froide. À partir du moment où je le vois sortir avec une autre, j’ai envie de lui. Masochiste dans l’âme ou adepte de la « tartine beurrée », pour reprendre une expression de Ken Follett dans La Marque de Windfield ?

Il y a huit jours, je retournais à l’Unwound pour le cours de salsa, pleine d’espoir que la soirée soit aussi géniale que la semaine précédente (voir Il y a des soirs comme ça…). Évidemment, ce n’est pas le cas : il n’y a pas grand monde au cours de salsa et dramatiquement peu de garçons. Et tandis que nous apprenons à danser (ou plutôt à faire l’homme puisqu’il faut combler cette carence), la salle ne se remplit pas. Une fois le cours terminé, les filles prennent un verre, parlent un peu puis décident de s’en aller parce que « décidément, il n’y a pas d’ambiance ; autant se coucher tôt ». Moi, je suis trop frustrée pour m’en aller : je suis venue pour passer une bonne soirée, pour danser, je ne veux pas renoncer. Je discute avec Olivia, une Erasmus roumaine un peu timide et un membre de l’association Erasmus – le seul présent – un peu plus âgé que la moyenne que j’appelle mentalement « Le Chauve » et qui s’appelle Aïoshka (quelque chose comme ça). Je suis en train de parler de mon expérience de la bacarata lorsque, comme un rayon de soleil qui illumine la pièce (en termes métaphoriques clichéissimes) ou comme l’éclair sans la nuit de la passante de Baudelaire, il fait son apparition. Surpris sans doute par le peu de monde, il se dirige résolument vers nous et, après quelques propos fort généraux, il engage la conversation avec moi. Qu’est-ce que nous nous sommes dit ? Peu importe. Bacarata, Venise, Erasmus, Belgique ; le but est de parler, pas de dire quelque chose. Lorsque je lui dis que je suis venue à pied (Ce n’est pas tout à fait vrai : en chemin, j’avais rencontré Julia qui m’avais prise sur son porte-bagages. Mais j’aurais PU venir à pied.), il pousse des cris horrifiés. Comment est-ce possible ?; le quartier est beaucoup trop dangereux pour une fille seule ; je ne peux pas rentrer comme ça ; il me raccompagne. Merveilleux ! La soirée prend une tournure que je n’espérais guère. Évidemment, il se comporte en parfait gentleman, mais mon plaisir n’en est pas moins grand.

Mais je me rends vite compte d’une réalité que je soupçonnais déjà. Si, pour moi, le nom de Jude Law renvoie immédiatement au personnage de Dickie Greenleaf, ce fils prodigue américain qui dilapide la fortune de papa dans l’Italie des années 50 du Talentueux Mr Ripley, j’ai très vite fait le rapprochement avec un autre personnage interprété par Jude Law : celui de Gigolo Joe dans AI : Intelligence artificielle de Spielberg.

Le nom se passe de commentaires. On parle de filles faciles ; il existe un pendant masculin. Le garçon qui change chaque soir de partenaire. Je croyais au début qu’il ne dansait jamais. En vérité, il ne semble aller sur la piste de danse qu’en fin de soirée pour se livrer avec ses partenaires à un corps-à-corps effréné que j’hésite à qualifier de « danse » et qui assume clairement l’aspect « préliminaire » intrinsèque à toute danse.

Est-il possible de convertir un « Nana » en « Denise Baudu » ?

(Image: Jude Law dans AI: http://www.agirlsworld.com/rachel/beat-street/reviews/pix/ai7.jpg)

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