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Réflexions piquantes d'une jeune romaniste
19 décembre 2007

Mœurs studieuses des Italiens

Gare aux clichés ! C’est quelque chose qu’on apprend très vite en Erasmus. Les Allemands ne sont pas tous ponctuels et les Italiens ne sont pas tous oisifs. Ces derniers auraient même plutôt tendance à être plus studieux que nous autres Belges.

Palazzo_Maldura__ma_facult__180Le 1er octobre, c’est-à-dire le jour de la rentrée, je me rends à mon tout premier cours padouan, en me disant que cela ne vaut pas vraiment la peine de se déplacer dans la mesure où il n’aura pas lieu. J’arrive avec un quart d’heure d’avance (j’avais peur de ne pas trouver l’aula) et là, je constate toute une myriade d’étudiants installés dans l’auditorium prêts à prendre note. Apparemment, le jour de la rentrée ici, c’est vraiment le jour de la rentrée !

La ponctualité semble être une valeur-clé. Non seulement les étudiants arrivent avec un quart d’heure d’avance (une Italienne m’a dit qu’elle venait toujours avec une demi-heure d’avance ; cela s’explique en partie parce qu’il y a beaucoup plus d’étudiants que de places disponibles dans les classes et que personne n’aime prendre note par terre) mais le quart d’heure académique est une denrée rare ici ; au mieux, il s’agit de « cinq minutes académiques ». Les professeurs commencent leur cours à l’heure et le terminent généralement avec un peu d’avance. J’ai beau savoir que « l’Empire austro-hongrois est passé par là », cette rigueur continue de m’étonner.

Mais passons au nœud du problème. Jeudi dernier, j’ai présenté mon premier examen oral en italien, Filologia romanza. L’appel est à neuf heures et demie ; j’arrive à neuf heures et quart à l’université : tous les Italiens sont déjà là ; une jeune fille se fait même interroger par le professeur. En vérité, la liste sur laquelle nous avions dû nous inscrire ne déterminait nullement l’ordre de passage de l’examen et il était nécessaire de s’inscrire sur une autre liste selon la règle du « premier arrivé, premier servi » : moi, pauvre étrangère, ignorante de ces tendances, je me retrouve donc la dernière.

Mais je ne suis pas au bout de mes surprises. Au bout d’une demi-heure, le professeur déclare : « Décidément, vous êtes fort nombreux. Je me demande si je ne vais pas plutôt faire un écrit lundi matin. » Horreur ! Vous imaginez ? Un professeur qui change les modalités de l’examen en cours de route, cela me semble inconcevable en Belgique. Cette solution ne m’arrange pas du tout. Primo, je me suis préparée pour un oral et je me sens prête pour un oral, mais passer un écrit en italien me fait assez peur : il me semble que les fautes d’orthographe, les gallicismes, les erreurs de grammaire et de conjugaison ressortent davantage sur le papier. Secondo, j’ai des cours lundi que je ne veux pas manquer. Terzo, je n’ai qu’une envie, en finir avec cet examen, l’avoir derrière moi et pouvoir me sentir en vacances, sortir le soir, aller à Venise, bien m’amuser sans devoir penser aux études. Enfin, quarto, dimanche, c’est la festa belga au Banale, et je n’ai aucune intention de la passer dans ma chambre devant mes cours. Heureusement, le professeur ne continue guère sur cette voie. Il cite le nom des étudiants qui pourront avoir une chance de passer le matin et invite les autres (dont moi) à revenir vers quinze heures. Je me rends donc à mon cours d’italien per stranieri en n’étant pas certaine de passer mon examen le jour même.

Je repasse vers une heure voir où en est la situation. Le professeur et son assistant interrogent le dernier étudiant. Ouf ! La situation n’est pas désespérée. De plus, je rencontre une Italienne qui me rassure à propos de l’examen, bien plus sympathique que la porte de prison à qui j’avais posé des questions le matin (la « chaleur » italienne n’est pas internationale). Je vais étudier deux heures dans une aula studio avant de retourner à l’université. Cette fois, nous ne sommes que neuf, mais je dois tout de même attendre plus de deux heures avant de présenter mon examen. Je pensais avoir examen à neuf heures trente, je suis passée à dix-sept heures trente.

Parlons des conditions de l’examen. En Belgique, nous sommes généralement interrogés dans le bureau du prof, dans un tête-à-tête plus ou moins mouvementé (parfois troublé par la présence d’un autre étudiant qui prépare son examen tandis que nous passons). Ici, point d’intimité. L’examen se fait dans une salle de cours avec tous les autres étudiants qui sont présents et qui entendent vos réponses et vos erreurs. Finalement, ce n’était pas plus mal que je passe l’avant-dernière ; j’étais moins intimidée. L’examen est d’ailleurs moins formel ; les étudiants viennent en jean et le professeur m’interroge durant dix minutes sur le français parlé en Belgique avant de me poser une ou deux questions sur le cours (ce qui n’était pas complètement hors sujet, mais tout de même…). Remarquez la gentillesse du corps enseignant vis-à-vis des Erasmus : le professeur ne me dit pas : « Parlez-moi de l’édition de texte. » ni : « Que savez-vous de l’édition de texte ? » mais : « Qu’avez-vous compris à l’édition de texte ? ».

Bref, vous l’avez deviné, l’examen s’est révélé assez facile à réussir, d’autant qu’en Italie, les professeurs sont particulièrement généreux en matière de notes. Un 30/30 comme le mien – tout à fait injustifié, entre nous – n’est guère surprenant mais constitue une récompense bien méritée après une dure journée de labeur.

(Image : mon alma mater padouane, le palazzo Maldura abritant une partie de la faculté de Lettere e filosofia)

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Commentaires
C
coucou<br /> je suis la petite étudiante liégeoise qui est à Padova en ce moment même et qui sourit à tes descriptions de son quotidien actuel...<br /> Beaucoup de choses qui s'avèrent tellement vraies, et tant d'autres que je dois encore découvrir!
Réflexions piquantes d'une jeune romaniste
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