Le Carnaval de Venise
Quand j’ai décidé d’effectuer mon séjour Erasmus à Padoue, j’ai choisi cette destination parce que je voulais étudier à Padoue. Je n’ai jamais pensé une seule seconde : « Allons étudier à Padoue parce que c’est tout près de Venise. » Et j’avais même oublié qu’il y a avait un carnaval à Venise. Ce qui me plaisait, c’était l’idée d’étudier dans une petite ville d’une région que je ne connaissais guère, dans une université ancienne et prestigieuse. Cependant, même si Venise n’était pas le but inavoué de mon Erasmus, lorsqu’on se trouve à une demi-heure de train et 5,80 € l’aller-retour de la Sérénissime, on ne s'en prive pas.
Aussi, dimanche dernier, suis-je allée à Venise pour assister à l’ouverture Carnaval. Un seul mot pour le qualifier : magique ! Du monde, bien sûr, mais moins que ce à quoi je m’attendais (il paraît que le Carnaval décline depuis quelques années ; la preuve : il n’y a plus besoin de créer des rues à sens unique pour les piétons !) et le sentiment d’écrasement ne s’est produit qu’une seule fois et deux ou trois minutes seulement sur la piazza San Marco.
Si le volo della Colombina était un peu décevant – la colombe, du vol de laquelle dépend la réussite ou l’échec du Carnaval, avait été remplacée par un rappeur sur le retour : Coolio, le reste de la journée était parfait. Un ciel tout bleu, un beau soleil, quatre amies masquées flânant le long du Grand Canal, des enfants déguisés en leurs personnages de dessin animé préférés, des adultes portant de belles tenues XVIIIe siècle, que demander de plus ? Le cortège du Doge était hétéroclite à souhait et celui des Marie, encore plus impressionnant. La légende raconte que douze jeunes et jolies Vénitiennes avaient été enlevées par des pirates ; les gondoliers de Venise avaient remué ciel et terre pour les retrouver. Elles défilent à présent, portées en triomphe sur des planches de bois, précédées par un cortège de personnages médiévaux, d’échassiers, de musiciens et d’acrobates.
Mais le plus beau, le plus joyeux, le plus magique, c’était tout simplement la promenade-défilé des Vénitiens parés des costumes les plus flamboyants, les plus recherchés, les plus originaux. Ils se promènent sur la piazzetta San Marco (la partie de la place comprise entre le côté de la basilique, le palais ducal, la bibliothèque marcienne et le canal) et les touristes leur courent après pour obtenir une bonne photo. Il y avait une Mary Poppins, des princesses aux robes étourdissantes, une marquise écarlate promenant son petit chien dans un landau, un groupe de musiciens sans tête judicieusement nommé « Trio Robespierre », une sorte de Marie-Antoinette, vêtue d’une magnifique robe en papier journal, des costumes aux motifs végétaux, une divinité solaire entièrement rouge et or, un Pierrot tenant un oiseau en cage, d’étranges princes orientaux, une Reine des Neiges, de lugubres « âmes en peine » et j’en passe. Je n’avais jamais rien vu de pareil.
Voilà : Veni, vidi. Nous avons même eu notre heure de gloire. Malgré tous ces costumes extraordinaires, certains touristes ont beaucoup apprécié notre « mascarade » et nous ont photographiées. Nous avons même été interviewées par France 2 – mais, paraît-il, ça n’a pas été diffusé. Après tout, ce n’est pas plus mal. Devant un tel spectacle, les mots manquent et se font banals.